Cités Coop, une coopérative pour créer son emploi
De nombreuses personnes en difficulté ont des talents qu’elles n’osent ou ne savent pas exploiter. Pour lever cet obstacle, le Secours Catholique et Cités Caritas ont fondé une structure coopérative parisienne qui offre à ses membres la possibilité de créer leur propre entreprise afin d’être soutenus dans sa gestion et de se concentrer sur son activité.
« Depuis longtemps, je voulais consacrer mon temps à ma zone magique : la cuisine. J’ai appris à cuisiner en observant ma famille, en goûtant et en inventant. J’ai un don que je veux partager et transmettre. » Quand Aurélie parle de son métier de chef, sa voix et son visage irradient de plaisir.
Née il y a vingt-sept ans à Saint-Paul de La Réunion, cette jeune femme solaire a d’abord quitté son île natale pour la métropole où elle a entrepris des études pharmaceutiques. Elle est devenue technicienne de laboratoire et s’est vite aperçue que sa vocation était ailleurs. Mais une reconversion professionnelle nécessite bon nombre d’étapes administratives qu’Aurélie se sentait incapable de surmonter seule.
Clarisse aussi a décidé de se reconvertir. Après avoir été « conseillère de vente dans le marketing-retail », elle souhaite, à 34 ans, apporter des conseils de relooking aux femmes qui ont peu de moyens pour s’habiller, en alliant créativité, économie et écoresponsabilité. Comme Aurélie, Clarisse a eu vent de Cités Coop et ne regrette pas d’avoir intégré la première promotion.
moins de risques, maintien des allocations
Émanation des Cités Caritas et du Secours Catholique, Cités Coop est une coopérative d’activités et d’emploi (CAE) créée pour épauler les personnes en difficulté qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat. « Cités Coop existe depuis un peu plus d’un an, explique sa directrice, Davina Hundert. L’idée a germé au centre Chrysalide, à Paris, où sont hébergées une quarantaine de femmes qui avaient, chacune, de véritables compétences professionnelles. La tendance est souvent d’orienter ces personnes vers des projets qui ne correspondent pas à leurs envies, ce qui les met en difficulté. Il fallait donc une structure qui aide ces personnes à développer ce qu’elles savent et aiment faire, à se concentrer sur leur activité. »
En intégrant Cités Coop, les entrepreneurs en herbe signent un contrat d’accès au projet d’entreprise (Cape) qui leur permet de suivre plusieurs formations (comptabilité, administration, gestion, informatique…) et de lancer leur activité sans avoir à déposer de statuts.
« Puisqu’il n’y a pas de création de statuts, souligne Davina Hundert, il y a moins de risques que la situation économique influe sur leur situation personnelle. Ainsi, le fait de commencer à travailler leur permet de maintenir leurs droits aux allocations chômage, aux minima sociaux tant que leur chiffre d’affaires reste bas. »
D’après une étude menée par le réseau Coopérer pour entreprendre (qui regroupe 68 CAE en France) auprès de sept coopératives, 70 % des entrepreneurs disent que sans la CAE, ils ne se seraient jamais lancés dans l’entrepreneuriat.
Les promotions de Cités Coop réservent dix places aux futurs entrepreneurs. La première a débuté avec cinq candidats… en même temps que l’épidémie de coronavirus.
« Le plus souvent à distance, nous avons pu passer plus de temps sur la phase de pré-projet, constate la directrice. Cela nous a permis d’approfondir leurs besoins et leurs envies. En phase de pré-projet, les personnes ont souvent une idée insuffisamment formée, un champ d’activités un peu vague. Il nous faut les aider à affiner le projet, à circonscrire leur zone d’action pour que dès qu’elles signent le contrat, elles soient prêtes à se lancer sur le marché et à facturer leurs prestations. »
L’isolement est la principale cause d’échec des jeunes entreprises.
« Ici, on se lance sans être seul, souligne Michel Leclercq, 56 ans, comptable de Cités Coop. L’isolement est la principale cause d’échec des jeunes entreprises. J’accompagne les cinq entrepreneuses de cette première promotion et c’est comme si j’avais créé moi-même cinq entreprises. »
Cet amoureux des chiffres qui dit s’épanouir dans son travail relève le défi « d’inculquer de manière aisée le raisonnement et les mécanismes de la comptabilité à des gens qui n’en ont aucune idée ». Les aspects comptables et juridiques sont enseignés en atelier où il est aussi question de la gestion des risques.
L’avantage que trouve Aurélie dans le Cape qu’elle a signé ici, c’est donc « d’être couverte et d’utiliser le numéro Siret de la coopérative ». A la fin de la formation, elle pourra faire le choix de rester salariée et membre de la coopérative.
Aurélie commence à voler de ses propres ailes. Elle distribue ses cartes de visite et se fait connaître sur les réseaux sociaux. Quelques restaurants ouvrent leur cuisine à cette « chef nomade » pour une prestation ponctuelle ou hebdomadaire.
Début mars, elle a fait ses premiers pas à La Coulée douce, restaurant du 12e arrondissement qui, faute de pouvoir recevoir, propose à sa clientèle des plats à emporter. Patrick Rebourg, le propriétaire, a sorti la grande ardoise pliante sur le trottoir où est inscrit à la craie blanche le menu proposé par Aurélie.
« Cuisiner pour une cinquantaine de personnes, je n’étais pas sûre d’y arriver. Finalement, je m’en sors plutôt bien », se réjouit la nouvelle entrepreneuse. Les commandes affluent, la cuisinière du jour a fait face à la demande et le propriétaire est ravi. L’avenir s’annonce prometteur.